Espace Julien

MADELEINE PEYROUX

Espace Julien • Placement libre – Assis
Ebru Yildiz
© Ebru Yildiz 2023
MADELEINE PEYROUX

Let’s Walk 

« Avançons nos corps mortels là où les cœurs et les esprits iront. Marchons, avançons. »
 

Ainsi chante Madeleine Peyroux sur le titre optimiste de son captivant neuvième album, Let’s Walk. Ce nouvel opus, le plus assuré et audacieux de l’auteure-compositrice-interprète acclamée, est porté par sa voix distinctive et envoûtante, ce timbre chaleureux qui l’a menée des rues de Paris aux plus grandes salles de concert. Ces dix chansons profondément personnelles, toutes coécrites par Peyroux, tissent habilement jazz, folk et pop de chambre. Elles explorent des thèmes variés, allant de l’intime au politique, de la légèreté au désir. À chaque note, Peyroux puise en profondeur, livrant cette œuvre exquise avec la grâce désarmante et la gravité d’une artiste à son apogée.

Pour Peyroux, résolument tournée vers le civisme, Let’s Walk poursuit une conversation scintillante avec son public et le monde. « Cette musique fait partie d’un dialogue, » explique-t-elle. « C’est ça, l’art : un engagement, une communauté. Plus que tout, je crois en l’importance de se réunir, d’écouter de la musique et d’échanger. La musique est la seule manière dont j’ai construit une communauté. »

Un album attendu mais essentiel

Let’s Walk a pris son temps, mais l’attente en valait la peine. Après Anthem en 2018, l’isolement imposé par la pandémie mondiale a rendu impossible tout rassemblement communautaire réel. Cependant, d’un point de vue créatif, la Covid a offert une opportunité : Peyroux s’est repliée avec son collaborateur de longue date, le multi-instrumentiste Jon Herington (Steely Dan, Lucy Kaplansky). Ensemble, ils ont réfléchi à cette ère sismique et écrit dans ce que Peyroux appelle « une ombre de prise de conscience. »
Lorsque le producteur multi-récompensé Elliott Scheiner (Fleetwood Mac, The Eagles) a entendu une sélection des nouveaux morceaux, il a exigé que l’album ne contienne « aucune reprise. » Pour lui, c’était le moment parfait pour mettre en avant les paroles incisives et souvent engagées de Peyroux, mêlées au sens mélodique et aux arrangements de Herington.

Des thèmes universels et puissants

L’ouverture, Find True Love, est née pendant le procès pour le meurtre de George Floyd. Tout comme Let’s Walk, elle invite irrésistiblement à un voyage, le premier arrêt étant La Nouvelle-Orléans. « Je cherchais du réconfort dans le paysage américain, » dit Peyroux. « J’imaginais le premier pas vers une guérison, un futur qui vaudrait la peine d’être vécu. » La guitare acoustique pulsante de Herington et les claviers scintillants d’Andy Ezrin portent un message d’espoir malgré l’obscurité environnante. « Les idées de cette chanson m’ont permis d’imaginer un endroit où je pourrais devenir une meilleure version de moi-même. »

Le titre Let’s Walk, quant à lui, est venu à Peyroux en rêve – les paroles, le rythme et la structure, un fait rare selon elle. « Les paroles évoquent la mobilisation massive pour les droits civiques dans le monde entier, une action volontairement unifiée en soutien à une idéologie humanitaire. » Herington enrichit la chanson de textures gospel, d’un orgue et d’un rythme entraînant, soutenus par des harmonies éclatantes d’artistes récompensés comme Catherine Russell, Cindy Mizelle et Keith Fluitt.

Des réponses à une époque troublée

Avec How I Wish, Peyroux répond aux meurtres de George Floyd, Breonna Taylor et Ahmaud Arbery. Cette valse mélancolique en tonalité mineure reconnaît son privilège et sa douleur. « 2020 a été l’année où je me suis réveillée, » confie-t-elle, après s’être plongée dans les écrits de penseurs comme Cornel West, qui décrit les musiciens noirs comme des « guerriers de l’amour » : Nina Simone, Louis Armstrong, Marian Anderson. « Ce sont mes professeurs et mes héros. »

Parmi les autres morceaux, Et Puis explore la satire sociale à travers le regard d’un jeune adulte privilégié, tandis que Nothing Personal aborde avec courage le sujet de l’agression sexuelle, mêlant intensité et vulnérabilité.

Une diversité musicale

Sur un ton plus léger, Me and the Mosquito adopte une saveur caribéenne, tandis que Take Care, spoken word rapide, clôt l’album avec une prière pour éviter les toxines de la vie moderne. Inspirée par le génie de Linton Kwesi Johnson, Peyroux y déclare : « La vie est un art, mais il faut se battre pour vivre pleinement. »

Alors que Peyroux repartira en tournée, elle promet une expérience inoubliable. Avec Let’s Walk, elle confirme sa maîtrise de la magie musicale, construisant des ponts entre elle et son public.